
Téléchargez L’article – Les Enseignements de Notre Corps
Je ne vous parlerai pas de la culture du corps entretenu, performant ou dominé par les régimes diététiques, par des efforts qui cherchent à se fondre dans la société ou à s’en démarquer. Je ne vous parlerai pas non plus d’un corps dont on aurait analysé les postures et les attitudes pour mieux en maîtriser le langage non verbal.
Je vais plutôt vous parler d’un corps, creuset de nos émotions et de la force expressive de l’Être. Il est un lieu d’enseignement, de sagesse propre à chacun, et il ne s’agit pas d’édifier des règles à son sujet. Notre corps parle de notre intériorité, et nous enseigne sur la façon dont le monde agit sur nous et la façon dont nous agissons sur le monde. Découvrir l’intelligence du corps par sa conscience corporelle c’est s’ouvrir à sa globalité et à ses ressources intérieures nous permettant ainsi d’être un peu plus acteur de nos vies !
Notre corps est ici et maintenant, il nous relie immédiatement à l’instant, à la respiration, à la sensation, aux ressentis. En cela il est souvent dit que le corps ne trompe pas, il reflète le vécu de la personne dans une forme en apparence simple, mêlant sensations/émotions dans le présent.
Devenir un peu plus conscient de son corps, c’est devenir un peu plus conscient de ce que nous vivons émotionnellement au présent. Notre corps possède ce grand pouvoir de nous révéler notre subjectivité par tous ses capteurs sensoriels dont la fonction est d’assurer notre survie dans l’environnement. Au moment où nous sentons par exemple notre gorge serrée, nous avons immédiatement une indication de la façon dont nous vivons émotionnellement la situation ; peut être de la colère, de la tristesse… A chacun d’identifier l’émotion précise qui lui correspond.
La conscience du corps sensible peut donc devenir un véritable baromètre sensoriel et émotionnel de la manière dont nous vivons un contexte donné. J’insiste sur ce temps du présent car la puissance du corps est celle-là, de nous plonger dans l’expérience de l’instant pour nous rendre plus conscients de notre réalité intérieure du moment !
Aujourd’hui dans la culture et dans le monde du travail, nous sommes amenés à organiser, maîtriser, prévoir et projeter l’avenir. Comment en effet piloter son équipe, sans vision, sans projection dans l’avenir ? A bien des titres en effet, se projeter dans l’avenir est nécessaire à la croissance de notre humanité ; nos enjeux environnementaux en sont une parfaite illustration ! Et pourtant à trop vouloir maîtriser ce futur qui nous échappe, c’est bien le présent qui finit par se dérober et nous nous privons ainsi d’un magnifique levier de changement sur nous-mêmes et sur notre environnement.
Le corps c’est ici et maintenant.
Je vous livre un exemple simple du quotidien observé dans le monde du travail. Une personne qui travaille à l’ordinateur des heures durant, ne sent certainement pas ses épaules se bloquer et sa nuque se raidir, tant elle est absorbée par l’atteinte du résultat. Quelles seront alors les répercussions de ses tensions sur sa vitalité à moyen terme ? Ces tensions, liées aux habitudes de travail, si elles deviennent chroniques, s’exprimeront alors en fatigue générale, torticolis, névralgie ou mal de dos, voire à plus long terme en perte de confiance en soi, irritabilité et perte de performance.
Dans ce cas, nous observons comment les tensions mentales et émotionnelles impactent le corps et le tendent jusqu’à saturation. Bien qu’il soit important d’aller travailler à la source de ses tensions (émotionnelles et mentales), il est également important de faire alliance avec son corps pour apprendre à sentir ses limites et à pouvoir relâcher musculairement ce qui peut l’être.
Faire alliance avec son corps, un levier puissant aux effets multiples
Nous sommes un. Une tête dans un corps, un corps dans une tête. Qui dirige finalement ? Le corps ou la tête ? Les neuro-sciences nous révèlent que les neurones ne sont pas l’exclusivité du cerveau, nous en avons dans le cœur et dans les intestins. L’heureuse nouvelle de ces avancées scientifiques est que d’où que nous partions, de notre tête ou de notre corps, les moindres changements impactent notre globalité. Nous sommes, à l’instant T, comme une alchimie de sensations, d’émotions et de pensées qui prend forme et configure le monde.
Dans ce sens, changer son état corporel pour changer son état général n’est-il pas à la portée de tous ?
Reprenons notre exemple. Imaginons que cette personne ait pris l’habitude d’écouter ses sensations, elle changera d’un simple mouvement (respiration, étirement, marche) son état physique et par là même son état global. Cette personne, dans l’alliance avec son corps, et dans la reconnaissance de ses limites, saura réguler son énergie et maintiendra son niveau de performance au travail ainsi qu’une stabilité de l’humeur.
Je forme aujourd’hui des managers et des dirigeants à une posture corporelle et mentale ainsi qu’à une meilleure gestion du stress. En quelques secondes d’attention à leurs sensations, ils font l’expérience d’une dé-focalisation mentale, d’un relâchement de leur pensée pour ouvrir plus largement leur présence à l’environnement. Vivre physiquement cette prise de recul, inscrit le vécu dans une mémoire corporelle, autorisant ensuite les sujets à revivre cet état intérieur. Nous pouvons, par notre conscience corporelle, orienter différemment notre énergie et mieux gérer ainsi nos facteurs de stress.
Alors imaginons maintenant des comités de direction qui intégreraient entre chaque temps d’échange et de réflexion, une minute de silence et de respiration consciente pour détendre les tensions et redynamiser la concentration. Ne croyez vous pas que cela améliorerait la qualité d’écoute et d’attention et offrirait de meilleures conditions à la performance collective ?
Et pourtant convaincue de cela, j’ai conscience (pour l’éprouver moi même), que prendre en compte au quotidien les informations précieuses que nous livre notre corps, n’est pas si simple ! Nous sommes culturellement conditionnés depuis l’enfance à apprendre et à agir à partir de notre tête, sous estimant voire niant le rôle du corps et de nos émotions dans nos choix et dans nos décisions. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles le management n’intègre pas encore le rôle du corps dans les questions de performance au travail. Et pourtant, notre conscience corporelle nous reliant à notre état intérieur nous donne accès à notre lecture du monde et nous ouvre à nos ressources intérieures et à notre capacité de nous ajuster de façon créative aux situations.
Notre corps détient une vraie sagesse qu’il est peut être temps de questionner, d’intégrer dans le monde du travail ?
Unir le corps et l’esprit ou « les noces intérieures du corps et de l’esprit »
Aujourd’hui face au challenge de ce siècle post moderne, exposés que nous sommes à l’incertitude et à la complexité des systèmes économiques, politiques et environnementaux, nous changeons progressivement de paradigme. Les organisations deviennent « digitales », elles inventent de nouvelles gouvernances, transforment leur management, intègrent des processus collaboratifs et quittent progressivement un système dominé par le contrôle pour un mode de fonctionnement plus centré sur les personnes et leurs compétences. Au cœur de ce grand changement, nous voyons apparaître la dimension émotionnelle comme une clé importante du management, tant nous savons aujourd’hui qu’une bonne gestion des émotions renforce la créativité des personnes et la résilience des organisations.
Dans le coaching, la mise en « situation corporelle », c’est à dire la transposition d’une situation vécue et identifiée en dynamique corporelle permet à la personne de se connecter à toutes ses dimensions : physique, émotionnelle et mentale. Cette démarche d’accompagnement s’appuie sur la globalité de l’être et sur ses ressources créatives. Il s’agit ici d’une nouvelle forme d’apprentissage, subtile, dont l’information progressive révélée par les sensations, les émotions et les pensées du coaché favorise l’intégration de nouveaux chemins comportementaux.
Dans le monde du travail, il en est de même. En prenant le temps de se relier à notre éprouvé par la sensibilité du corps, nous ramenons une richesse d’information à partir du vécu du contexte et apprenons alors à mieux orienter nos choix.
Par ailleurs, le manager d’aujourd’hui n’est-il pas amené à déjouer les tensions de ses collaborateurs ? à faciliter leur communication ? à soutenir leur productivité en étant attentif à leur motivation ? Or comment ce même manager peut-il devenir fin récepteur des signaux faibles de ses collaborateurs s’il n’a pas pris soin de développer sa perception globale de la situation donnée (physique, émotionnelle et mentale) pour mieux en saisir les enjeux ?
Coopérer, c’est faire œuvre commune, c’est œuvrer ensemble vers un sens commun. Nous sommes dans ce changement d’identité où les enjeux personnels et les sensibilités des salariés font partie prenante des facteurs clés de réussite d’une entreprise. Pour faire œuvre commune, il nous faut allier nos forces mentales avec nos sensibilités, et nos émotions. Les grandes organisations l’ont compris. Elles se dotent de salles de sport et de salles de « bien être » pour offrir un espace de ressourcement tout en régulant implicitement le niveau émotionnel et énergétique de leurs collaborateurs.
Dans ce contexte, une des missions du dirigeant est de développer sa compétence émotionnelle, en étant conscient de ses éprouvés, par et dans son corps sensible. Il pourra ainsi arbitrer et soutenir au mieux, les dynamiques comportementales de ses équipes.
Changer nos comportements, ainsi que trouver de meilleurs ajustements relationnels, sont le fruit de processus de conscience et d’action mené avec patience et vigilance intérieure. Etre attentif à son vécu par l’attention porté au langage du corps, permet d’accélérer les processus de changement.
Le dirigeant devenu conscient de la manière dont il est impacté par ses équipes, cultivera une intelligence du contexte et saura avec souplesse et confiance danser sur ce fil de soie entre lui-même et les autres pour faire advenir le meilleur de chacun. En développant sa conscience corporelle et son intelligence émotionnelle il saura s’appuyer sur la globalité de son être pour faire émerger de nouvelles idées créatives dont il sentira la puissance et la cohérence aussi bien au niveau personnel que professionnel.
Le corps est donc aussi un véhicule de l’harmonie, je vous encourage à le (re)découvrir, il est là, tout proche, et il n’attend que cela.
Virginie Rossigneux, 26 Avril 2016.
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